L’occupation de Goma et Bukavu par les rebelles du M23 a plongé l’Est de la RDC dans une paralysie totale. Outre l’insécurité grandissante, c’est toute l’économie locale qui s’est effondrée, notamment avec la fermeture des banques et institutions financières. En l’absence de liquidités, la population peine à se procurer des biens de première nécessité, révélant une faille majeure dans le système financier congolais : l’absence d’une véritable solution de paiement numérique adaptée aux besoins du pays.
Dans les zones en crise, l’argent liquide devient une denrée rare et précieuse. Les habitants, qui dépendent des banques pour retirer leurs économies, se retrouvent soudainement démunis face à l’urgence. Acheter de la nourriture, des médicaments ou même se déplacer devient un véritable casse-tête. Si la RDC disposait d’une infrastructure fintech développée, ces contraintes pourraient être largement atténuées, voire évitées.
Dans plusieurs pays africains, des solutions de paiement mobile comme M-Pesa au Kenya ou Orange Money en Côte d’Ivoire permettent aux citoyens de continuer à effectuer des transactions, même en période de crise. Pourquoi la RDC, malgré son potentiel économique et technologique, accuse-t-elle un tel retard dans ce domaine ? L’absence de régulation adaptée, le manque d’investissement et la faible pénétration d’Internet sont autant de freins à l’émergence de solutions viables.
L’exemple de la Société nationale d’électricité (SNEL), qui permet l’achat de crédits électriques via un système de paiement mobile, prouve pourtant qu’une solution locale est envisageable. Si les Congolais peuvent acheter de l’électricité en ligne, pourquoi ne pourraient-ils pas en faire autant pour des denrées alimentaires ou des médicaments ? La réponse réside dans l’absence d’un écosystème fintech robuste et accessible à tous.
Les startups congolaises ont un rôle clé à jouer dans cette révolution numérique. Avec une population de plus de 100 millions d’habitants, dont une majorité de jeunes connectés, la demande pour des solutions de paiement digital est énorme. Il est temps pour les entrepreneurs et investisseurs de se mobiliser pour développer des services adaptés aux réalités locales, notamment dans les régions à risque.
L’État congolais, de son côté, doit accompagner cette transition en mettant en place un cadre législatif incitatif. Des incitations fiscales, des partenariats public-privé et un appui aux startups fintech pourraient accélérer l’adoption de ces technologies. Car au-delà de la crise actuelle, un système de paiement numérique fiable contribuerait aussi à la modernisation de l’économie congolaise dans son ensemble.
Les grandes banques et opérateurs télécoms doivent également se saisir de cette opportunité. À travers le développement de portefeuilles électroniques et de solutions de transfert d’argent, elles pourraient jouer un rôle clé dans la facilitation des transactions en période de crise. Une coopération avec les commerçants locaux permettrait d’intégrer ces solutions dans le quotidien des Congolais.
L’adoption de solutions fintech pourrait également réduire la dépendance au cash, souvent source de corruption et de fraudes. Une économie plus digitalisée offrirait plus de transparence et de sécurité aux utilisateurs, tout en réduisant les coûts liés à la gestion des billets et des guichets physiques.
L’urgence actuelle doit être un signal d’alarme pour la RDC. Si la guerre met en lumière les failles du système économique, elle offre aussi une opportunité unique de repenser les modèles financiers du pays. Investir dans les fintechs ne serait pas seulement une avancée technologique, mais une véritable réponse aux besoins fondamentaux de millions de Congolais.
Il est temps que la RDC rattrape son retard et embrasse la révolution numérique. Car en période de crise, ce n’est pas seulement l’accès à Internet ou aux réseaux mobiles qui est vital : c’est aussi la possibilité de payer, d’acheter et de survivre, même lorsque tout s’effondre autour de soi.