En République Démocratique du Congo, la lutte contre la corruption reste l’un des défis majeurs pour asseoir un État de droit efficace et légitime. Si pendant longtemps cette bataille a été conduite à coups de discours et de dispositifs juridiques peu appliqués, l’ère numérique offre désormais des outils concrets, efficaces et traçables. Mais encore faut-il savoir – et vouloir – les utiliser.
Le paradoxe est frappant : alors que les solutions technologiques existent, leur impact demeure marginal. Des plateformes de déclaration de patrimoine aux audits automatisés, en passant par les systèmes de paiement électronique, tous les éléments sont réunis pour réduire les marges de manœuvre des détourneurs de fonds. Pourtant, les détournements persistent et l’impunité reste la norme.
L’une des premières failles identifiées réside dans la faible interconnexion entre les administrations publiques. Les bases de données ne communiquent pas entre elles, les systèmes d’information sont souvent obsolètes ou mal intégrés, et les efforts de digitalisation sont dispersés, sans pilotage central efficace.
À cela s’ajoute une résistance structurelle à la transparence. Certains responsables voient dans la numérisation une menace directe à leurs privilèges. L’opacité, dans ce contexte, n’est pas un hasard mais une stratégie de survie pour des élites peu enclines à rendre des comptes.
Le manque de volonté politique réelle reste également un obstacle majeur. Tant que la lutte contre la corruption servira d’argument électoral plus que de boussole de gouvernance, les outils numériques ne pourront jouer qu’un rôle secondaire. Sans volonté de rupture, même les meilleures technologies deviennent des gadgets inutiles.
Et pourtant, le potentiel est énorme. Le numérique peut devenir un levier stratégique, au-delà de la simple modernisation. Il peut forcer la redevabilité, créer des boucles de contrôle indépendantes et ouvrir l’accès à l’information au public. L’open data budgétaire, par exemple, permettrait aux citoyens de suivre chaque franc engagé dans les projets publics.
La refondation du système passe par une appropriation intelligente des technologies. Cela implique la formation des agents, la cybersécurisation des données, mais surtout, l’institutionnalisation de la transparence comme norme. C’est en changeant les habitudes institutionnelles et les réflexes bureaucratiques que le numérique pourra porter ses fruits.
En somme, la technologie ne remplacera jamais la volonté politique, mais elle peut en être le catalyseur. Si la RDC décide réellement d’en finir avec les pratiques de prédation, elle devra s’attaquer au nerf du système : l’opacité. Et à l’ère numérique, l’opacité est un choix, pas une fatalité.