L’étude menée par le cabinet Deloitte souligne des profondes mutations du secteur bancaire en République Démocratique du Congo l’année 2023. L’entrée de nouvelles institutions panafricaines, les avancées en matière de régulation, l’accélération de l’inclusion financière et l’essor du mobile banking sont autant de tendances qui redessinent le paysage bancaire congolais. Toutefois, des défis majeurs persistent, notamment en matière de satisfaction client, de rapidité des services et d’exposition au risque de crédit dans un contexte économique global incertain.
L’arrivée de deux grandes banques panafricaines en 2023 confirme l’attrait grandissant du marché congolais. Cette dynamique est renforcée par l’extension des réseaux de distribution, notamment via l’agency banking, et par des partenariats stratégiques avec les entreprises de télécommunications. Ces initiatives favorisent une bancarisation plus large, essentielle dans un pays où le taux d’inclusion financière reste encore limité.
L’amélioration de l’accès aux services bancaires, notamment pour les populations rurales et les PME, est un axe stratégique central. La Stratégie nationale d’inclusion financière (SNIF) vise à faire passer le taux d’inclusion de 38 % en 2022 à 65 % en 2028. Toutefois, la réussite de cette ambition dépendra du niveau d’investissement des banques dans les infrastructures digitales et l’éducation financière.
Un cadre réglementaire renforcé pour plus de transparence et de gouvernance
L’année 2023 a été marquée par l’adoption de nouvelles lois bancaires et par des mises à jour des instructions de la Banque Centrale du Congo (BCC). L’exigence de publication du rapport Pillier III, qui fournit des informations détaillées sur la gestion des risques et la qualité des portefeuilles bancaires, est une avancée majeure en matière de transparence.
Ce renforcement du cadre réglementaire s’inscrit dans une tendance mondiale visant à renforcer la résilience des banques face aux risques systémiques. Cependant, il impose aussi aux banques congolaises de s’adapter en investissant davantage dans la conformité et la gestion des risques, ce qui pourrait peser sur leur rentabilité à court terme.
Une clientèle toujours insatisfaite en termes de rapidité des services
Malgré ces avancées, l’étude révèle un niveau élevé d’insatisfaction client, principalement lié à la lenteur des délais de traitement des opérations bancaires. Cette situation met en lumière le retard des banques congolaises dans l’amélioration de leur expérience client, un élément pourtant crucial pour fidéliser leur clientèle et faire face à une concurrence accrue.
L’adoption croissante du mobile banking et du digital banking pourrait constituer une réponse efficace à ce problème. Néanmoins, la réussite de cette transition dépendra de la capacité des banques à moderniser leurs systèmes informatiques et à renforcer la formation de leur personnel.
Un marché dominé par quelques acteurs majeurs
Le classement des banques selon leur total bilan, total dépôts et résultat net montre une nette domination de trois institutions :
- RAWBANK
- Equity BCDC
- TMB
Ces banques se distinguent par leur large réseau de distribution, leur solidité financière et leur capacité à octroyer du crédit. En matière de crédit à l’économie, Equity BCDC (27% de part de marché) et Rawbank (21 %) occupent les premières places, suivies par Standard Bank, TMB et Sofibanque.
La présence des banques panafricaines reste prépondérante, détenant 53 % du marché du crédit. Toutefois, les banques locales, comme Sofibanque et Solidaire Bank, affichent une croissance remarquable, ce qui témoigne d’une montée en puissance des acteurs locaux.
La transition vers une finance durable et responsable
L’engagement du secteur bancaire congolais dans la responsabilité sociale et environnementale (RSE) s’est accéléré en 2023. RAWBANK se démarque particulièrement avec la création d’un Finance Climate Desk et l’adoption d’un Carbon Calculator, marquant une volonté de promouvoir la finance verte.
D’autres banques panafricaines et internationales, telles que Equity BCDC, Standard Bank et Access Bank, ont également mis en place des initiatives de reporting RSE. Cette transition vers une finance durable répond à une demande croissante des investisseurs et des régulateurs pour une prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux.
Une rentabilité en hausse malgré un environnement économique complexe
Malgré un contexte marqué par la dépréciation monétaire et des tensions géopolitiques, le secteur bancaire congolais a connu une forte croissance de sa rentabilité en 2023 :
- Le résultat net global du secteur a quasiment doublé, passant de 227 millions USD en 2022 à 443 millions USD en 2023.
- Le Return On Equity (ROE) moyen a atteint 25 %, avec des performances remarquables de RAWBANK (38 %), First Bank (26 %) et Equity BCDC (24 %).
Cette dynamique s’explique par une meilleure gestion des risques, une croissance des volumes de crédits et une augmentation des revenus bancaires. Toutefois, la dollarisation du secteur financier congolais reste une vulnérabilité, les crédits étant majoritairement libellés en devises étrangères.
Mobilisation des dépôts : une croissance modérée mais stable
La collecte des dépôts bancaires a progressé de 2 % en 2023, confirmant la confiance des clients envers le système bancaire. RAWBANK et Equity BCDC dominent toujours ce segment, représentant à eux seuls 57 % du total des dépôts.
Cependant, l’entrée de Sofibanque dans le top 5 des banques collectrices de dépôts, au détriment d’Ecobank, montre que le marché est en mouvement et que de nouveaux acteurs gagnent du terrain grâce à des stratégies commerciales attractives.
Un secteur en pleine mutation, entre opportunités et défis
L’année 2023 a marqué un tournant pour le secteur bancaire en RDC. Entre attractivité croissante, renforcement réglementaire et digitalisation accélérée, le marché congolais présente un potentiel indéniable. Les banques locales et panafricaines continuent de jouer un rôle clé dans l’économie, avec une mobilisation croissante des dépôts et un financement accru des entreprises.
Toutefois, plusieurs défis restent à relever :
- Amélioration de la rapidité des services pour répondre aux attentes des clients.
- Renforcement des investissements dans le digital pour moderniser l’expérience bancaire.
- Diversification des produits financiers pour accompagner la croissance des PME et des populations sous-bancarisées.
- Gestion prudente des risques macroéconomiques dans un environnement fortement dollarisé.
Si les banques congolaises parviennent à relever ces défis, elles pourront consolider leur croissance et jouer un rôle encore plus stratégique dans le développement économique du pays.
