Enquête

Dollars déchirés, valeur amputée : une arnaque déguisée en norme du marché ?

Image 50 dollars déchirés

En RDC, posséder un billet de devise étrangère légèrement déchiré ou vieilli peut devenir un véritable casse-tête. Les changeurs de monnaie appliquent des taux réduits, amputant la valeur de ces billets jusqu’à 5 %, voire plus. Cette pratique, bien ancrée, repose sur une logique spéculative qui échappe au cadre réglementaire officiel.

Les cambistes des grandes places financières ajustent leurs taux en fonction de l’état des billets, mais dans les quartiers populaires, la décote est encore plus sévère. Les changeurs ambulants rachètent ces billets avec une réduction pouvant atteindre 50 % de leur valeur, pour ensuite les revendre aux commerçants qui voyagent à l’étranger. Un véritable circuit parallèle s’est ainsi mis en place.

On prend ce billet moyennant une petite réduction. Si vous amenez 100 dollars abîmés, on vous en donne 95. Ensuite, on revend à des commerçants qui nous les prennent à 97 dollars”, confie un changeur ambulant. Cette mécanique profite aux intermédiaires, mais pénalise fortement la population.

L’origine du problème réside dans la réticence de certaines banques à accepter ces billets. Seuls les billets sortis de leurs propres distributeurs sont pris sans condition. Une situation qui contraint les détenteurs de devises légèrement endommagées à se tourner vers le marché informel, où les règles sont dictées par l’offre et la demande.

Pour Lem’s Kamwanya, économiste, cette pratique est purement spéculative. “Il n’y a que l’autorité monétaire qui peut retirer son pouvoir à un billet. Tant que le pays émetteur n’a pas déclaré qu’un billet est démonétisé, il garde toute sa valeur”, explique-t-il. Il estime que la Banque centrale devrait intervenir pour clarifier la situation et éviter ces pertes injustifiées.

Le manque de communication officielle alimente la méfiance et favorise les abus. En l’absence de directives claires, les banques et les changeurs dictent leurs propres règles, créant une volatilité artificielle sur le marché du change.

Ce phénomène ne se limite pas à Kinshasa. Selon plusieurs témoignages, il affecte toutes les provinces du pays, aggravant les difficultés financières des citoyens qui voient leur pouvoir d’achat réduit simplement à cause de l’état physique de leurs billets.

Une intervention de la Banque centrale du Congo (BCC) s’impose pour mettre un terme à cette spéculation et restaurer la confiance dans la circulation des devises. Sans une régulation stricte, les pratiques actuelles continueront de profiter à quelques intermédiaires au détriment de l’ensemble de l’économie.

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